Il fait soif par ici

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Le royaume humain. La terre des hommes et la chaleur qui y régnait. Si on pouvait parler de chaleur. Pour la saison, ce devait-être normal. Mais comparé à d'autres contrées comme les terres des dragonniers ou les mines des nains, il faisait chaud. Évidement. Mais qui irait jusque là?

Probablement un nain en fait. Il faut savoir qu'après la bière, l'un des grands plaisirs des nains est celui de se plaindre. Ex-æquo avec les plaisanteries concernant d'autres races certains vous diront. Mais ceux-là ont tord. Tout le monde sait que les nains préfèrent se plaindre des autres races par le biais de plaisanteries. Non mais. Faudrait voir à ne pas être médisants non plus.

Et ce nain, c'était Ragan. Il était de plus en plus rare qu'il sorte de la mine ces temps-ci. Non seulement à cause du travail qu'il avait à y faire, mais aussi parce qu'il ne prenait plus vraiment de travail à l'extérieur. Et ce à cause de son nouveau rang dans l'armée. Donc en fait, les deux raisons se recoupaient. Ragan avait du travail, et il trouvait le moyen de s'en plaindre. Ce qui était plutôt bizarre aux yeux des autres nains. Se plaindre d'un travail, qui plus est dans les hauts gradés des guerriers du royaume. Vraiment un nain étrange.

Pour se changer les idées, Ragan avait accepté une quête tout ce qu'il y avait de plus normale. Rémunérée quelques piécettes, et consistant globalement en le sauvetage d'une otage, il l'avait surtout accepté pour aller voir un peu les humains. Il s'agissait d'une jeune, et prétendument jolie, fille qui s'était faite kidnappée par un groupe de bandits de grands chemins. Ou de petits chemins, il n'avait pas fait attention. Les parents de la dite fille, n'avaient pas voulu payer la rançon demandée. A la place, ils avaient préféré engager un "combattant de la justice" - qui se paie dira Ragan. Surtout que le prix du nain dépassait celui de la rançon. mais qu'importe, les hurluberlus faisaient son affaire.

Il avait plutôt expédié la quête à vrai dire. Dès qu'il eut repéré les bandits, il fonça dans le tas, agitant sa hache dans tout les sens. Et ça avait plutôt bien payé à vrai dire. Les bandits étaient soient morts, soit franchement estropiés, et la jeune fille n'avait pris qu'un ridicule coup de hache. Et c'était même pas la faute de Ragan dira-t-il. C'était pas de sa faute si elle était habillé de la même couleur que ses ravisseurs. En quoi les fait qu'elle était attaché et qu'elle clamait son innocence en criant au milieu de la mêlée - opposant Ragan et les bandits- auraient pu lui certifier qu'elle n'était pas l'une des leurs? En rien.

Une fois la quête effectuée, Ragan ne récupéra que la moitié de la prime proposée au départ. Il n'aurait pu se douter que le fait de ramener la jeune fille en entier était un gage de bonne réussite. Et puis, même pire. La jeune fille, qui était effectivement jolie, avait repoussé ses avances. Le nain avait beau lui expliquer que de toute façon cette oreille gauche ne lui servait à rien, et qu'elle avait gagné un certain charme dans le procédé, elle ne voulait rien entendre. Mais qu'importe après tout. Il fallait bien reconnaître qu'il avait bâclé la mission, mais tant pis. Il était pressé de rejoindre un certain établissement.

Enfin en vue de la taverne de la capitale humaine, Ragan retrouva le sourire. Il faisait vraiment trop chaud pour rester dehors sans s'hydrater. A moins que cette histoire de température ne soit un prétexte pour boire. Qui savait?

Il entra dans la taverne, s'approcha du comptoir, et après avoir râlé quelques peu concernant la hauteur de ces foutues chaises de comptoir, se hissa sur l'une d'elle. Il appela le barman d'un signe de main et commanda 5 chopes de bières. Pour commencer disait-il. Aussitôt servies que deux déjà avaient été englouti par le petit homme. Il commença alors à observer son environnement, et les autres clients.

Quelque part au-dessus des nuages glissait une ombre serpentine. Ses ailes sinistres accrochaient l’air pur qui sifflait gravement. Par instant, alors qu’un pâle soleil caressait les écailles luisantes du monstre, le corps sinueux de la créature se cabrait dans un spasme inquiétant, virait de bord avec la promptitude de l’oiseau, ou chutait sans prévenir. Des tressautements étranges et impromptus qui finirent par réveiller une deuxième créature, juchée sur le dos épineux du dragon. Un petit être, à cette distance minuscule, chaussé d’une paire de bottes dépareillées et muni d’un seul et unique gant. De sa bouche encore alourdie par le sommeil, une rigole de paroles dégringola.

« Tu veux me castrer, c’est ça ? Qu’est-ce que tu fous Shun ? »

Sur ce, l’homme de redressa et bailla – ou grogna - aussi fort qu’un dragon l’aurait fait. Sous lui, la bête mugit et redescendit en-dessous des nuages. L’oxygène et la chaleur manquaient en altitude à tel point que Leon venait de sortir de son deuxième coma de la journée. Pourtant c’était sous l’initiative du jeune homme que le tandem infernal avait choisit leur altitude de vol. En effet, le brigand avait découvert avec émerveillement que la sensation de vertige qu’il subissait alors était tout simplement comparable à une cuite à l’eau de vie. Mais pour le salut des quelques neurones qui lui restaient encore, la dragonne avait décidé de ne plus céder aux lubies relativement masochistes de son cavalier. Et bien lui en prit car à quelques minutes près, Leon s’apprêtait à perdre ses orteils gauches. Ce dernier resserra sur son corps frigorifié son manteau doublé de fourrure. Les poils du vêtement avaient sérieusement pâti de leur séjour en hauteur, certains avaient même gelés, agglutinés les uns contre les autres, ils se mirent à gratter furieusement la peau fine du dragonnier qui ne put réprimer un frisson atroce. La dragonne sembla le sentir et diminua encore son altitude pour une hauteur plus raisonnable. Sans doute avait-t-elle ressenti la souffrance physique du dragonnier qui refusait de se l’avouer à lui-même, car elle désigna de sa tête une cité en contrebas.

« Bonne idée. Je te laisse manger et moi je vais me réchauffer. »

La créature chanta de nouveau en signe d’assentiment. Alors que la dragonne amorçait une descente gracieuse et en douceur, sa voix profonde comme le chant d’une sirène emplit l’air et fit frissonner le cavalier. Depuis longtemps, l’homme était habitué à cette communication, à ces mugissements, mais ceux de Shun Rei lui semblaient infiniment plus beaux et plus purs que ceux des autres dragons. C'était certain, les anges devaient avoir une pareille voix. Ce fut dans cette mélodie envoutante que Leon sentit ses cheveux se gonfler d’air. L’excitation du vol s’empara de lui tout entier, il tournoyait en direction de la ville humaine qui se mit à grossir à n’en plus finir.

****

Leon regarda sa dragonne s’envoler de son battement d’aile léger comme une caresse, il lui adressa un signe de la main que sans doute, elle ne vit pas. Une tristesse ténue, presque imperceptible lui serra la gorge comme à chaque fois qu’il voyait partir loin de lui Shun Rei. Mais il fallait se ressaisir, et vite. Maintenant qu’il avait touché le plancher des vaches, son centre d’inertie lui parut se modifier et il se redressa vivement. Une position que finalement il ne pratiquait que rarement, car il passait le plus clair de son temps collé au corps monstrueux de sa compagne ailée. Ses épaules lui semblaient s’être bloquées et il les fit rouler pensivement en entrant dans la ville. D’un clin d’oeil il salua un garde porcin qui lui renvoya son salut avec un sourire amusé. Inutile de préciser la teneur de leur relation mais vous ne risqueriez pas grand-chose à parier qu’elle se base sur quelque aventures interlopes et fumantes. Comme la plus part de celles dans lesquelles Leon avait l’habitude de tremper.

D’un pas vif mais machinal il s’élança dans la ville. Sa veste de cuir, récemment troquée contre son manteau fourré, claquait au rythme de sa marche. Autour de lui, la ville animée vivait, florissante, sale et merveilleuse. Dans le bourdonnement des conversations, dans le tumulte de la foule riveraine se dessinaient les silhouettes éparses des diverses créatures qui vivaient au sein de ce continent. Des humains et des dragonniers que les vêtements seuls dissemblaient ; les elfes au pas léger et bondissant ; les nains chargés de fardeaux qui donneraient une crise cardiaque au meilleur bourrin ; quelques oreilles poilues qui jaillissaient des cheveux bigarrées indiquaient les Bestaires. C’était toujours une incroyable expérience de se promener ici, sur les pavés répugnants et les égouts à ciel ouvert de la Capitale, car dans cette fange joyeuse, surnageaient toutes les races au coude à coude. Toutes unies dans le seul plaisir valable qui régissaient ce monde : l’appât du gain. L’envie d’avoir plus que son voisin, d’être plus puissant que lui, de manger plus ou de s’habiller mieux. Leon agita courtoisement la tête devant les seins galbés d’une jolie brune avant d’entrer dans une taverne choisie par le hasard. La soif le taraudait, la faim le hantait et lorsqu’il s’assit au comptoir, le patron n’attendit pas sa commande pour lui servir de quoi se restaurer.

« Bah mon gars, vous avez la tête du voyageur qui f’rait bien d’ormir et d’manger un morceau. D’vous v’nez ?
- Des montagnes.
- V’s’être Dragonnier mon gars ?
- Tout à fait. Je suis messager. Je fais une halte.
- Ca j’comprends mon gars. V’s’avez de quoi payer ?
- Oui toujours. Merci, je prendrai une deuxième bière. »

L’homme trapu salua de toute sa barbe rousse le jeune homme qui avala sa pinte en une fois avant de découper avec élégance et force manières son morceau de viande. Le coude son voisin vint lui chatouiller les côtes, il n’en fallut pas plus pour que Leon relève la tête.

« Provisions ? »

Demanda Leon en désignant la quantité de chopes de bières qui entouraient le nain.

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Alors qu'il commençait la dégustation, naine, de sa bière, un homme entra dans le bar et s'assit non loin de lui. Un étrange individu d'ailleurs. Ragan lui jeta un regard en coin histoire de le détailler rapidement. Un homme élégant à première vue. Il doit faire tomber les femmes celui-là. Un seul gant. Étrange qu'il ne porte qu'un seul gant. A-t-il perdu l'autre? Veut-il cacher une difformité sur la main gantée? A moins qu'il ne supporte pas le contact du gant sur la main non-gantée? Le nain imaginait tout un tas de scénario expliquant cet homme à moitié ganté. Le dernier fut probablement celui du voleur malhabile qui n'aurait réussi à subtiliser qu'un seul gant sur deux.

En descendant un peu, il remarqua également qu'il était botté. Cette fois-ci, il avait bien deux bottes, mais elles n'étaient pas semblables. Deux modèles différents. Étrange individu. Peut-être bien que c'était un mauvais voleur. A moins qu'il ne cultive cette apparence dépareillé. Oui, dépareillé devait être le mot.

Revenant à la dégustation de sa bière à la façon naine - c'est à dire d'un seul trait - il tendit l'oreille. Il n'était pas vraiment du genre à écouter les conversations des autres habituellement, mais cet individu était assez fascinant dans sa façon d'être. Autant savoir de quoi il en retournait au niveau mental. Il apprit ainsi que c'était un messager dragonnier, et qu'il avait de quoi payer. Ce dernier détail n'était pas forcément intéressant, mais tout de même.

Alors qu'il reposa la troisième chope, le nouvel arrivant s'adressa à lui. Provision? Il lui fallut un certain moment pour comprendre les mots de l'homme. Mais celle-ci fut facilité par le geste de l'homme en direction des chopes de bières. Il n'en restait à vrai dire plus que deux. Le nain empoigna l'une de celles encore pleines, en souriant.

"Du tout! C'est une mise en bouche."

Sur ces mots, il engloutit celle qu'il avait dans la main. La reposant bien rapidement sur le comptoir, et se saisissant de la dernière, il fit signe au tavernier de lui remettre la même chose. Ragan n'était pas un nain pour rien. L'alcool, il connaissait bien. Et surtout, il supportait bien. C'était peut-être l'un des inconvénients à être nain. Il fallait débourser plus d'argent que les hommes pour être autant ivre qu'eux. Mais qu'importe.

"Vous faites quoi par ici? Z'êtes dragonnier c'est ça....."

Le nain marqua une pause, comme s'il réfléchissait. Il détaillait son interlocuteur avec attention. On aurait pu dire qu'il cherchait quelque chose. Mais quoi?

Évidement, un nain à jeun réfléchit moins bien. C'est pour cela qu'il avala cul sec la chope qu'il tenait et, après l'avoir elle aussi reposé sur le comptoir, posa sa main sur son menton. Jouant avec sa fine barbe, à la mode humaine comme il disait, il était plongé dans d'intenses réflexions. Cet individu ne lui facilitait pas la tâche il fallait dire. A la fois dépareillé, mais dégageant une certaine élégance. Il finit néanmoins par se fixer et finir sa phrase.

"...monsieur le dépareillé?"

Et oui, un surnom. Il semblait souvent essentiel à Ragan de s'adresser aux autres par des surnoms les désignant. Évidement, il s'arrangeait souvent pour que ces surnoms soient amusants, voir désobligeants parfois. Mais là, pour le coup, l'homme ne lui intimait aucune agressivité. Autant rester sympa avec lui.

A côté de lui, le petit être semblait se passionner pour sa personne. Le dévisageant de pied en cape, il s'attarda sur l'accoutrement soigneusement asymétrique du dragonnier dont les bottes et l'absence d'un deuxième gant peuvent effectivement laisser perplexe. Si vous n'êtes pas capables d'attendre d'éventuelles explications (probablement fausses) qu'apporterait le jeune homme du nom de Leon Hilldrendr à son co-pilier de comptoir, je vous propose de lire ci-contre un résumé de la journée qui expliquera peut-être sa tenue. Mais si vous préférez écouter baratiner le gus, libre à vous de sauter le paragraphe suivant, d'autant qu'il est passablement inutile d'un point de vue poétique ou historique, ses prétentions se limitant à raconter une énième aventures improbable de l'individu.

Vers midi environ, notre dragonnier fut contacté par son employeur habituel. Par une lettre dont les fautes d'orthographe rivalisaient presque avec celle de l'auteur de cette histoire, un certain Murlock demandait au brigand intermittant de transmettre à l'autre bout du continent un message contenant divers accords commerciaux, de toutes évidences urgents. La somme étant bien rondelette, notre Dragonnier en saisit la moitié et se répara au voyage. Dans sa besace, le jeune homme commençait à ranger ses affaires éparpillées dans la chambre d'une maison de passe miteuse qu'on lui avait loué à bon prix pour la simple et bonne raison que sa précédente occupante – une vénérable travailleuse de l'endroit – était récemment morte de la vérole et que les draps n'avaient pas eu le temps d'être changés. Mais alors qu'il hésitait encore entre les bottes qu'il souhaitait porté et celles qui voulait garder en réserve, sa porte s'ouvrit violemment sur trois individus. Tout de suite, le jeune homme établit que les intentions des nouveaux arrivants n'étaient pas particulièrement pacifiques, probablement à cause des masses d'armes et des épées tirées au clair qu'ils brandissait en hurlant. Mais avant que l'un d'eux n'ait pu jaillir dans la pièce, Leon s'engouffrait déjà par la fenêtre, avec la grâce qu'offrait l'habitude. Une botte au pied, l'autre dans sa main, le brigand prit les jambes à son coups et descendit dans la rue en contre bas, les dents serrées sur la lanière de son sac. Et alors que sa chaussette claquait sur les pavés humides, une déferlante de dragonniers très énervés se ruait toujours sur lui. Réprimant un hurlement de peur, Leon sauta par dessus un muret et grimpa quatre à quatre les marches qui le séparaient de la plateforme aérienne où, prévenue à par un lien magique dont le brigand n'avait pas encore perçu toutes les propriétés, Shun Rei l'attendrait. Et effectivement elle se tenait là, grande et sublime, dardant d'un regard froid son cavalier qui tentait d'enfiler une deuxième chaussure (tout à fait différente de l'autre) tout en courant. Agrippant la papatte griffue de la créature, Leon s'éleva dans les airs au nez et à la barbe de ses poursuivants.

Plus tard, alors que Leon tentait d'oublier ses mésaventures en les noyant dans un verre de vin rouge - à la qualité douteuse - un petit gros vêtu fort bourgeoisement, commença à le titiller désagréablement. Son accoutrement apparemment gênait beaucoup le propriétaire de l'établissement qui désirait conserver la réputation d'une taverne honorable, réservée aux gens de qualités. Mais, peu enclin à se laisser dicter sa conduite vestimentaire par un plouc de bas étage, Leon l'arrosa tout naturellement de son picrate ignoble et lui rétorqua qu'il n'était qu'une « immonde-bouse-de-dragon-que -j'emmerde, OK ? ». Chose à laquelle, le hobbit répondit, outré, par un compliment à l'égard de la génitrice de Leon qui, ni une, ni deux, provoqua en duel ce détestable individu. Le gant allait être récupéré quand, lorsqu'il eut heurté violemment la joue rebondie du patron, un immense serveur l'agrippa fermement. Devant une telle envie de posséder l'accessoire, Leon dût s'incliner, et après un sourire quelque peu gêné, il s'enfuit par la fenêtre. Shun Rei eut l'idée brillante de s’envoler une nouvelle fois avant que le personnel de la taverne ait pu réveilleur leurs propres montures.

Voici, en bref pourquoi aujourd'hui, un certain homme court sur pattes l'appela :

« Monsieur le déparaillé. »

Leon avala une partie de la bière et reposa sa chope, un peu déçu de sa performance. Comment les nains pouvaient-t-ils absorber autant de boisson en si peu de temps ? Rien qu'une coupe de vin lui coupait la respiration, alors finir d'un trait, comme son voisin... c'était inimaginable.

« Vous faites quoi par ici? Z'êtes dragonnier c'est ça.....
-Perspicace l'ami ! Et vous êtes un nain c'est ça ? »

Leon ricana bêtement et avala de nouveau une rasade. Quelques gouttes d'alcool s'écoulèrent des commissures de ses lèvres et dégoulinèrent lentement jusqu'à son menton rasé de près. Il n'aimait pas porter la barbe, il n'arrivait pas à la tailler de façon à se donner l'air élégant ou débonnaire comme le nain. Ses quelques poils, qui poussaient toujours d'une manière anarchique, lui donnaient juste l'allure d'un alcoolique psychotique.

« Mais ne vous inquiétez pas, je l'ai remarqué tout de suite. »

Ricana bêtement le dragonnier dont l'alcool commençait à délier sa langue plus encore qu'à l'accoutumé. Mais il était de notoriété publique que le jeune homme était une personne hautement désagréable même à jeun. Pourtant, il n'était pas dans les intentions de Leon de se mettre à dos ce nain dont le visage n'était pas sans lui rapeller les patates qu'on lui servait à la cantine de l'orphelinat. Il lui semblait, ainsi, qu'il pouvait s'avérer être un très bon compagnon de beuverie, et que, même s'il n'irait pas lui tenir les cheveux, ils pouvaient ensemble finir ivres morts dans quelques endroits de la ville sans que cela soit un scandale ni pour l'un ni pour l'autre. Aussi, Leon se radoucit, ou du moins, n'incita pas.

« Je fais une petite halte, comme je le disais au patron. Et vous ? Pourquoi venir engloutir une bière infecte chez les humains quand on peut en avoir de vraies, quelques mètres plus bas ? »

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-Perspicace l'ami ! Et vous êtes un nain c'est ça ? »

Ragan regarda un moment, les yeux écarquillés, son voisin de comptoir. Voilà un jeune homme qui se permettait une certaine liberté. Qui plus est avec un nain. Certains se seraient vus offert un joli coup de hache pour moins que ça. Et sans contrepartie en plus. Il fallait dire que malgré leur jovialité, nombreux étaient les nains qui n'appréciaient pas les remarques sur leur taille. Peut-être parce que les humains les prenaient souvent à partie pour ces critères. A moins que ce ne soit le fait qu'ils n'apprécient pas qui incite les humains à se moquer d'eux là-dessus. Allait savoir qui de l'œuf ou de la poule.

Il se permit même d'en rajouter une couche en ajoutant qu'il l'avait remarqué tout de suite. Comme si la taille du nain n'était pas évidente à remarquer pour tous, mais que cet homme avait l'œil. Qu'il pouvait repérer tout de suite les nains à environ dix kilomètres autour. Ce qui, avouons-le, devrait être une sacrée performance vu la taille des nains, ceux-ci dépassant rarement les premiers rochers.

Bref, c'est suite à ces mots que Ragan éclata de rire. Un fou rire même. Il y avait longtemps qu'il n'avait rencontré d'individu de ce genre. Il se dit que peut-être, malgré son manque de coordination concernant l'habillage, il pourrait s'avérer être quelqu'un de très sympathique et amusant. Peut-être pourraient-ils tout deux mettre le patron à sec en matière d'alcool tout en débitant nombres de conneries concernant telle ou telle histoire, qu'elle soit véridique ou non. D'ailleurs, souvent des histoires mettant en scène des elfes ou des humains dans des situations ridicules en ce qui concernait le nain.

"Pas du tout l'ami! J'suis pas un nain! J'suis un elfe. Mais il me semble que je suis devenu un peu plus viril ces derniers temps!"

Ragan rit encore quelques peu, mais l'on ne pouvait dire si c'était à cause de son nouvel ami de comptoir ou à cause de sa plaisanterie concernant la virilité légendaire des elfes, et de ce fait, celle des nains. Quand on est un nain, il parait évident que l'elfe est la créature la moins virile qui puisse exister, tandis que le nain est celle chez qui la virilité atteint son paroxysme. mais ce genre de chose était de notoriété publique dans les mines.

Le dépareillé lui expliqua, comme il l'avait déjà bien entendu, qu'il faisait une halte. Soit. D'ailleurs, il en profita pour demander ce que faisait le nain ici. Dans cette taverne humaine, avec de la bière, humaine. Le nain regarda un instant les chopes face à lui. Il y en avait trop d'ailleurs. Il se dépêcha alors d'en avaler une nouvelle et se tourna vers son camarade pour lui répondre, le plus simplement du monde.

"On est en rupture de stock en bas. Et puis, si je ne viens pas de temps en temps vider leur stock, qui le fera? Ce ne sont pas les humains, ou ces elfes qui peuvent se targuer d'être des bons buveurs. On peut dire que je rends service à l'économie locale en permettant aux brasseurs de vendre leur produits à de vrais clients, de temps en temps."

Évidement, ce n'était pas vraiment la raison de sa remontée à la surface, mais qu'importe? Il était là pour boire, son camarade aussi. La vérité ou les choses compliquées de ce genre n'avaient que peu de prises sur ce genre de situation.

Ragan se tourna alors vers la salle, une choppe en main, le coude appuyé sur le comptoir. Il observa quelques tables avant d'arrêter son attention sur une particulière. Il y avait, à cette table, une petite compagnie d'elfes. Quatre elfes pour être précis. Peut-on parler de compagnie? Ils étaient armés et semblaient au beau milieu d'un long voyage. Du moins, ce n'est pas cela qui attira l'attention du nain. Il tourna la tête vers son voisin.

"Regardez là-bas, les elfes. Ils boivent du jus de fruit. Dans une taverne comme celle-ci. On peut pas dire que ce soit sympa pour le patron ça. Par contre, la fille, elle est mignonne, malgré que ce soit une elfe."

« Pas du tout l'ami! J'suis pas un nain! J'suis un elfe. Mais il me semble que je suis devenu un peu plus viril ces derniers temps! »

« On est en rupture de stock en bas. Et puis, si je ne viens pas de temps en temps vider leur stock, qui le fera? Ce ne sont pas les humains, ou ces elfes qui peuvent se targuer d'être des bons buveurs. On peut dire que je rends service à l'économie locale en permettant aux brasseurs de vendre leur produits à de vrais clients, de temps en temps. »

« Eh bien mon elfique ami, je ne peux effectivement qu'apprécier votre habileté à écluser avec élégance ce breuvage infâme. Et c'est vrai que je ne peux pas être partout. Je vous remercie de m'aider à faire vivre le commerce de proximité. »

« Regardez là-bas, les elfes. Ils boivent du jus de fruit. Dans une taverne comme celle-ci. On peut pas dire que ce soit sympa pour le patron ça. Par contre, la fille, elle est mignonne, malgré que ce soit une elfe. »

« Je suis d'accord, une véritable insulte, mais on m'a toujours dit de ne pas forcer les jeunes femmes à boire. On prétend cela peu galant. »

« Cette petite est ravissante, mais je me garderai de toute plaisanterie grivoise sur elle et vous. »

- Fin du Rp -

S'en suivit une discussion peu passionnante pour une personne extérieure au duo infernal. Quelques heures plus tard, plusieurs bières avalées en riant, et voilà Leon qui s'enfuyait en titubant hors de la ville. Sans payer, sur le dos de son dragon.

Plus tard dans la soirée il déposerait la lettre à son receveur et accomplirait sa mission avant de finir de se cuiter méthodiquement. Alors cette journée sera scellée par la rencontre de deux jeunes femmes dont l'une peut-être plus importante qu'il n'y paraitra.