Lèves-toi ! L'aventure nous attend ! [Dena]

Roulée en boule enveloppée dans ma cape de voyage, je gardais les yeux grands ouverts, rivés sur le plafond… Le foyer que nous avions allumé n’était plus qu’un tas de cendres. La nuit avait été longue, et j’avais fort mal dormie, les petites cernes naissantes au coin de mes yeux en témoignaient. Qu’est-ce qui m’avais empêché de dormir ? L’appréhension sans doute… Je n’avais pas réussi un seul instant à véritablement retrouver mon calme depuis que nous avions atteint les montagnes. Je me redressais doucement, encore abruti de sommeil, le visage marqué par le sac sur lequel j’avais posé ma tête. Je jetais un coup d’œil à ma droite. Encore assoupie, Dena respirait la tranquillité… Etait-ce le fait d’être de nouveau sur sa terre natal, ou bien nos courses effrénées de la veille qui l’avait fatigué à ce point ? Je souris en regardant la petite bouille du dragon émergée de l’amas de tissus, et me fixer un instant. Je souris de nouveau en le voyant se frotter à la dragonnière d’un air de dire ‘lèves toi c’est l’heure !’. J’entendis un vague râle. Visiblement elle n’avait pas l’air motivé à se lever… Quelque part, je ne la comprenais que trop bien ; quitter la chaleur douillette de sa couverture n’est jamais très agréable, surtout par une matinée aussi fraîche que celle-ci.

Avec un petit sourire en coin, je laissai la dragonnière émergée tranquillement, sachant qu’Elicia n’allait pas lâcher le morceau si facilement… Je sortis donc de la grotte où nous avions passé la nuit, m’assaillant à la limite de la fin de la cavité, là où l’herbe recommençait à pousser, et où les perles de rosés c’étaient agglutinées. Je passais ma main dans l’herbe grasse, frissonnant au contact froid de l’eau contre ma chair, avant de m’en asperger le visage pour me réveiller un peu. Je répétais l’opération par deux fois. Vu la douche que l’on c’était prise la veille, il était inutile de faire d’avantage pour le moment.

Je levais la tête, admirant le ciel bleu à perte de vue. C’était une belle journée qui s’annonçait, en tout cas, pour le temps au dehors. Je regardais un peu autour de moi, peu habitué à ce paysage montagneux, où la roche était presque omniprésente, et où les cimes rocheuses effleuraient les quelques nuages coincés par la montagne. Ces pointes blanches se perdant dans les cumulonimbus avaient quelque chose de magique. Moi qui rêvais de voir ces montagnes, malgré ma rancœur envers les dragonniers, j’allais visiter ces dernières avec un guide que je n’aurais jamais pu espérer… Une dragonnière, cette même race que je craignais. Je mettais même mise à siffloter sans m’en rendre compte. Une vieille chanson elfique parlant de la découverte de la fontaine de jouvence… C’était une histoire vieille comme les premiers arbres de nos forêts, et malgré tout, elle avait traversé les âges. Je relevais la tête alors qu’une ombre m’éclipsait le soleil un bref instant… Et je poussais un cri d’effroi. Un énorme dragon venait de passer juste au-dessus de ma tête. Très haut dans le ciel, d’un vert éclatant… Je fis volteface, me ruant dans la grotte. M’avait-il vu ? Peu probable… En tout cas j’avais eu la peur de ma vie !

Je sautais à moitié sur la pauvre Dena qui dormait toujours, l’attrapant par les épaules pour la secouer sans ménagement.

- Dena ! Dena ! Debout ! Un dragon ! Il y a un dragon qui vient de passer au-dessus de nous !

Je savais bien que sur le territoire des dragonniers, cela n’avait rien d’étrange, mais je préférais tout de même avoir l’avis d’une experte. C’est avec les yeux en couilles d’hirondelles que la jeune femme aux cheveux laiteux me dévisagea un instant, sans comprendre d’où venait ma panique naissante. J’étais complètement réveillée maintenant, affolée et réveillée. Et c’était la pauvre dragonnière qui en faisait les frais. Je lui lâchais finalement les épaules, me rendant compte que je l’avais secoué comme on aurait secoué un arbre fruitier pour en faire tomber les fruits. Je restai sur les fesses alors que doucement la jeune femme sortais de sa torpeur…

La nuit avait été paisible, du moins pour la dragonnière qui avait dormi à point fermé. Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas passé une nuit aussi tranquille et reposante. Tellement reposante que la femme aux cheveux blanc ne voulait même plus ouvrir un œil, même avec tout le raffut que faisait son amie l’elfe. Le calme se refit entendre lorsque Fy alla vers l’extérieur de la grotte où elles se trouvaient. Dena se rendormit sur l’autre oreille, mais pas pour longtemps. L’habitante des forêts arriva alors en trombe, saisie la jeune femme au niveau des épaules, et la secoua comme un cocotier pour la réveiller. Elle avait vu un dragon dans le ciel. Mais pourquoi dérangeait-elle la dragonnière pour un simple dragon ? Celle-ci émergea alors, laissant échapper un gémissement de mécontentement. Elle se frotta alors les yeux, puis daigna enfin regarder l’elfe.

- Mais… Un dragon… C’est rien de plus qu’un gros lézard, il n’y a pas de quoi paniquer comme ça !
Certes, pour la jeune femme, un dragon était très banal, mais Fy semblait en avoir une peur bleu. Dena se leva alors, épousseta un peu ses vêtements, puis attrapa sa cape, à terre, avec laquelle elle avait dormi pour se protéger du froid. Elle l’enfila sur ses épaules puis se dirigeât vers la lumière. Elle sorti alors sa tête de la grotte puis regarda les alentours. En effet, il y avait bien un gros dragon vert au-dessus de leur tête. Ellicia arriva elle aussi à hauteur de l’entré et huma l’aire extérieur. Elle eut un échange de regard avec sa maîtresse. Elles en conclurent la même chose à propos du dragon. Rien qu’en se regardant, le message était passé. Elles retournèrent ensuite toutes deux dans le fond de la grotte, là où était restée FY pour se cacher.

- Il semblerait que ce soit un dragon sauvage qui se soit perdu ! Je te rassure, il est aussi perdu que toi à l’heure actuelle. Il ne nous attaquera probablement pas car il ne sait pas à quoi il a affaire !
Dena se voulait rassurante, mais le "probablement" qu’elle avait dit n’aida pas Fy à reprendre confiance. Dena saisi son sac qui lui avait servi d’oreiller puis saisi dedans des fruits. Deux pommes vertes, qu’elle avait volées la veille sur le bateau. Elle en lança une à Fy qu’elle rattrapa aussitôt, s’excusant par la même occasion qu’elle n’avait rien d’autre à lui proposer. La pomme une fois engloutie, la dragonnier tenta de remotiver les trouves.

- Bon, si tout se passe bien, nous arriverons à la tombée de la nuit dans ton royaume ! Le bateau nous a bien avancé mine de rien !

Les deux femmes reprirent alors la route. Fy collait dans le dos de Dena, méfiante d’une attaque inattendu. Le territoire où elles se trouvaient était bien vert. Ellicia marché devant le duo, confiante. Puis la petite dragonne se mit alors en position de chasse. Le dos courbé, à l’affut de quelque chose qui avait bougeait non loin d’eux. Puis elle démarra au quart de tour et disparut dans les herbes un peu plus loin.

- Mais, Ellie, qu’est-ce que tu fais ? Dena se mit alors à courir en direction de la ou avait disparu son dragon, suivit toujours de Fy. Bon, et bien nous avons trouvé notre déjeuné !

En effet, le dragon avait les dents planté dans la gorge d’un lapin blanc. Le poil de l’animal se tinta alors progressivement de rouge. La bête était plus grosse que le dragon qui était très fière de sa prise, et bombé maintenant le torse. Sa maîtresse s’approcha alors pour saisir l’animal égorgé par les pates arrière. Ellie ne lâchait pas sa proie. Dena se releva et présenta le lapin à Fy, fière de montrer ce que son dragon avait fait, celui-ci était toujours suspendu sous la boule de poils blanche.

- J’espère que tu aimes le lapin !

L’elfe fit alors une drôle de tête en voyant l’animal présentait ainsi devant elle.

La carcasse désarticulée qui s’agitait devant moi au rythme des petits coups de bassin que mettait le petit dragon me fit avoir un haut le cœur. Je détournais le regard, préférant ne pas voir le massacre. J’entendis la dragonnière se battre avec le dangereux prédateur pour lui faire lâcher prise et récupérer le bout de viande. Je trouvais ça horrible. Imaginer un instant le pauvre petit lapin finir ces jours avec des crocs dans la jugulaire me dépita littéralement. Au moins avec les plantes, même si on leur faisait mal, à moins d’être en parfait symbiose avec les arbres, on ne le sentait pas. Mais là, c’était un petit herbivore qui ne demandait qu’à vivre, qui allait finir en ragout au fond de la casserole, assaisonné de plantes sauvages poussant sur la montagne.

- Comptes pas sur moi pour en manger…

Je levais la tête vers le ciel d’un bleu azur… Il était trop tôt pour faire une pause déjeuner, Dena allait donc probablement emmener le lapin. Je poussais un petit soupire.

- Prépares donc ton lapin, je vais faire un tour pour ne pas assister au massacre.

Je tournais la tête, et la vis, les deux au niveau de l’articulation d’Elicia, hocher de la tête tout en essayant de desserrer l’étreinte du lézard. Je ne me fis pas prier, et je passais sur la droite en direction d’un étroit corridor formé à même la roche. J’avais beau mettre éloigner de la scène de crime, j’en avais encore des frissons. L’image de la boule blanche aux grandes oreilles se teindre en pourpre me fit presque verser une larme. Bien sûr, j’avais déjà mangé de la viande, mais je n’avais jamais chassé, et encore moins j’avais vu l’animal en un seul morceau avant de finir dans mon assiette. C’est donc avec l’estomac tout retourné que j’avançais dans une espèce de crevasse cylindrique creusé par l’eau de la fonte des neiges en été. Il subsistait d’ailleurs un mince filet d’eau qui continuait paisiblement sa route. Ma petite balade me remit plus ou moins en état, et je sentais progressivement mon dégout pour la scène s’évanouir. De plus j’arrivais à la fin du chemin facilement praticable. Je m’apprêtais à faire demi-tour quand j’entendis une voie. Rien à voir avec la voie féminine de Dena, là, en l’occurrence, c’était un homme qui parlait. Je tendis l’oreille et perçut de nouveau des éclats de voix… Trois… Peut-être même quatre personnes étaient en train de parler d’une chasse… Je perçu des bribes de mots malgré l’écho qui obscurcissait le sens des phrases ; ils parlaient de quelque chose de grand … Vu l’endroit où je me trouvais j’en déduisis qu’il s’agissait sans doute d’un dragon. L’un des hommes parla fort, visiblement amusé. Il parla d’un ‘colosse’ mais je ne compris pas le sens. Tout du moins, je ne le compris pas sur le coup, car je vis presque immédiatement après un homme sortir d’une cavité sur la droite, le pantalon à moitié baissé. Dans un petit ‘yurk’ de dégout, je tournais la tête et les talons, et rebroussais chemin en trottinant. Je doutais qu’il m’est vu, et coupais sur la droite me dissimulant derrière un rocher, mais je l’entendis crier pour savoir qui était là…

Lorsque je revins là où j’avais quitté la jeune femme, je la vis accroupie auprès du lapin qui était maintenant ‘à poil’.

- Dena ? Est-ce qu’il y a un village dans le coin ? Un village de dragonniers ? Il y’avait plusieurs par là-bas, je pointais la direction d’où je venais. Je me demande à quoi ça ressemble une ville adapté pour des dragons de toute taille… On pourrait y aller ?! Je me ferais toute petite ! Et puis on pourrait peut-être trouver autre chose à manger que ce pauvre petit lapin !

Oui, c'est sûr, il y avait de quoi surprendre... Déjà, j'avais complètement changé d'avis, et d'u refus catégorique, je lui demandais maintenant de n’emmener voir une des villes des dragonniers, mais surtout, je n'avais pas pris en compte que j'allais peut-être attirer du monde à me comporter ainsi.

L’elfe semblait dégouté du spectacle qui se produisait devant ses yeux. Le petit dragon qui ne voulait pas lâcher sa proie et qui donnait des petits coups de bassins faisait gicler quelques gouttes de sangs à chacun de ses mouvement. Fy préféra alors s’éloigner, proposant à Dena de préparer la pauvre bête avant de reprendre la route, puis elle partit se promener en attendant que le massacre se finisse. La dragonnière saisi alors un petit canif dans sac et commença à dépecer l’animal aux grandes oreilles. Mais avant toute chose, elle retira les crocs d’Ellicia du cou du pauvre lapin qui n’était maintenant plus qu’un sac d’os, vidé pratiquement de tout son sang. Pendant que la dragonne fesait une breve toilette pour retirer le liquide rouge de ses poils, Dena découpa l’herbivore au niveau du ventre, le vida. Elle lui retira ensuite la peau, qu’elle mit de côté pour se fabriquer quelque chose plus tard avec. Elle sortit ensuite de son sac quelques feuilles de différentes tailles. Des feuilles aromatiques qui pourrait conserver la viande jusqu’à leur arrivé à une prochaine ville où elles y trouveraient probablement du sel. Pour le moment, la viande allait prendre le goût des feuilles arômatiques. Quelques minutes plus tard, Dena remballa ensuite son matériel dans son sac, y mettant également le lapin, du moins, ce qu’il en restait, et l’elfe pointa le bout de son nez, un air légèrement affolé sur le visage. Mais elle posa alors une drôle de question. Elle voulait donc visiter un village de dragonnier maintenant ? Et trouver autres chose à langer que ce lapin. Dena laissa échapper un rire. Manger autre chose que du lapin, appart du chevreuil et des perdrix, il n’y avait pas grand-chose d’autre à chasser dans ce royaume.

- Mmm, je ne connais pas toutes les villes et villages de la région mais bon, ce ne doit pas être sorcier d’en trouver un ! Mais bon, je ne pense pas qu’on y trouvera autre chose à manger que ce lapin ! En parlant de ça…
La dragonnière aux cheveux blancs regarda autour d’elle, cherchant du regard quelque chose à ses pieds. Mais elle ne le trouvait pas. La peau du lapin avait disparu. Non elle n’avait pas disparu, mais avait bougeait de place ! Dena la cherchait alors, commençant à marcher à droite, à gauche pour mettre la main dessus. Puis, elle la trouva enfin. La fourrure du lapin s’approcha alors d’elle à grande vitesse, à travers les herbes. Dena s’approcha alors de l’elfe pour lui faire une petite blague.

- Oh non ! IAide moi ! Le lapin veut se venger regarde !
Et elle pointa du doigt la peau blanche et rouge de l’animal mort. Cela ressemblait à un mini tapis. C’était le dos du lapin avec les quatre pattes et la queue, et deux trous au niveau des yeux. Les oreilles retombaient de chaque côté de la tête. Il n’y avait plus la peau de la mâchoire inférieure, seulement la partie supérieure du lapin. Puis plus l’animal mort s’approchait plus l’elfe semblait s’inquiété de ce qu’il était. Etait-il vraiment revenu pour se venger ? En tout cas, il bougeait bel et bien sous leurs yeux. Puis l’animal leur sauta alors dessus. Fy laissa échapper un cri tandis que Dena se mit alors à rire. La bête qui était alors terrifiante se retrouva sur la poitrine de Fy qui était tombée sur les fesses lorsque l’animal lui avait sauté dessus. L’elfe se retrouva alors nez à nez avec… Ellicia ! La petite dragonne s’était en réalité cachée sous la dépouille du lapin, tel une cape, et se baladait avec, l’air de rien, comme si c’était un jouait pour elle, comme un déguisement de chevalier qu’on va offrir à un enfant. Dena ne pouvait s’empêché de rire en regardant la tête de l’elfe, encore sous le choc du lapin-vengeur. Elle s’approcha alors du petit groupe a terre et attrapa son dragon par la taille, et fit mine de la disputer, que ce n’était pas bien ce qu’elle venait de faire. Mais la dragonnière avait du mal à être sérieuse sur ce coup-ci, voyant son dragon, dans sa main, avec la tête du lapin tel un chapeau, cela n’avait rien de crédible. Ce dragon était vraiment un clown. Puis elle récupéra alors le bout de peau.

- Si nous trouvons un second lapin, on pourra te faire une paire de gant pour aller plus loin dans les montagnes, pour ne pas que tu attrapes froid ! Mais ce serait une perte de temps !
Dena rangea alors la peau dans son sac, avec tout le reste. Elle allait bien trouver quelque chose à faire avec, et elle avait déjà une petite idée en tête.

Saleté de dragon ! Il m’avait fait la peur du siècle ! Pourquoi ne pouvait-il pas se contenter d’être comme n’importe qu’elle animal des forêts, un peu bête et craintif, au lieu de s’amuser à me faire peur comme-ci j’étais une gamine… Le cul dans l’herbe, la mine déconfite, je regardais Dena chopper la petite Ellicia et l’engueuler… Enfin, si on peut dire ainsi, car elle avait du mal à aligner deux mots sans sourire ou se mettre à rigoler. Je regardais la jeune me dire qu’elle allait encore chasser le lapin… Encore ?! Mais qu’est-ce qu’elle allait bien pouvoir faire de toute cette viande ?

- Je te préviens, je ne survivrai pas à une autre frayeur dans ce style là ! T’as intérêt à surveiller ton dragon !

Je ne sais pas comment elle prit ma piètre menace, mais j’espérais bien ne pas hurler de frayeur comme je venais de le faire à l’instant. Je mettais même fais mal à la gorge… Je me redressais me remettant sur mes deux jambes alors qu’elle empaquetait déjà le peu d’affaire qu’elle avait sortie. Il ne nous restait qu’à reprendre la route, ce que je fis d’un pas vif. La plaisanterie avait du mal à passer. Je n’avais rien contre une blague, mais ainsi se servir de la peau d’un être vivant, ça me faisait mal au cœur. Je ne cessais de me répéter que c’était dans ce cycle naturel des choses, rien n’y faisait, je revoyais sans cesse le petit dragon agrippé au lapin, en train de dandiner des fesses pour décrocher sa proie de l’étreinte de la dragonnière qui le tenait par les oreilles. J’en eu presque un haut le cœur. C’est donc avec le cœur au bord des lèvres que j’en oubliais le village dragonnier, n’ayant plus qu’une envie, celle de rentrer chez moi, et de manger de la salade comme le ferais n’importe quel elfe normalement constitué.

Le bruit de pas dans mon dos m’indiqua que Dena c’était mise en route elle aussi, et qu’elle était à deux pas de moi. Nous marchions ainsi quelques instants, dans un silence pesant. J’essayais d’oublier ce que je venais de voir. Finalement, en tournant la tête vers la droite, je vis la tête joviale de la jeune femme, encore marqué par son éclat de rire, les yeux pétillants de malice comme une gamine.

- Je maintiens que ce n’était pas drôle ! J’ai la peur de ma vie avec vos bêtises ! Puis t’imagine si j’avais attiré du monde en criant comme ça ? Et si… Et si…

Le sourire qui s’étira sur le visage de la dragonnière me fit comprendre que la tête que j’avais tiré en voyant la carcasse de lapin de bouger seule valait tous les désagréments du monde… Je soupirais. Peine perdue. Boudeuse, je détournais la tête regardant devant moi.

- N’empêche que ce n’était pas drôle !

J’eu à peine le temps de finir que mon pied dérapa sur de l’herbe humide, je me rattrapais in extremis à Dena, l’entraînant avec moi dans ma chute dans un petit cri de surprise. Nous glissâmes toutes deux sur la petite pente avant de perdre soudainement de la vitesse, pour finalement nous arrêter. Je restais inerte sur le dos, les yeux grands ouverts vers le ciel… Je me redressais doucement, croisant le regard de la jeune femme qui était elle aussi en état de choc… Et j’éclatais de rire devant la mine déconfite de la dragonnière. Je ris à m’en faire mal au ventre et il me fallut quelques secondes pour reprendre mon souffle…

- C’était… C’était nul…

Je ris de nouveau avant de m’affaler sur le dos dans l’herbe trempée de rosé matinal.

- Je crois… Que j’ai le mal du pays Dena. J’ai envie de rentrer chez moi, quelques temps, histoire de récupérer de mon voyage. De faire le point.

Je plaçais alors ma main devant moi, pointée vers le ciel, les gouttes d’eau au bout de mes doigts s’élevant doucement à quelques centimètre de mes doigts, maintenue en suspension ainsi… Je contemplais mon petit tour de passe-passe d’un air absent. Ces dernières fusionnèrent les unes avec les autres, créant une plus grosse boule d’eau à chaque goutte qui rentrait dans l’orbe d’eau. Maintenant de la taille d’une bille, je la laissais glisser entre mes doigts, jouant ainsi quelques secondes. Soudainement, je refermais ma main sur la goutte la faisant disparaître à la vue de la jeune femme.

- Je ne me sens pas chez moi dans ces montagnes… J’ai peur de croiser des dragonniers ou des humains, mais j’espère qu’un jour, si cette guerre stupide fini, on pourrait toute les deux monter au sommet de ces montagnes, au-dessus des cimes, et voir sans crainte les plus belles villes de chaque peuples.

J’écartais doucement les doigts, un peu de fumée s’envolant vers le ciel.

- Nous ne sommes pas si différentes au final… Mais tant que cette stupide guerre durera, nous ne pourrons rien faire comme de simples amies, juste parce que nos peuples sont en guerre. Tu ne pourras pas te balader dans nos verdoyantes forêts, et moi je ne pourrais probablement jamais escalader vos immenses montagnes sans appréhender une rencontre ennemie.

Je me redressais pour de bon, le dos imbibée d’eau. Je me tenais debout, une détermination nouvelle brillant au fond de mon regard. D’un geste, je décalais ma besace me tournant vers la jeune femme au dragon, la regardant avec détachement.

- Merci Dena… Je pense que si je ne t’avais pas rencontré, j’aurais continué à avoir peur toute ma vie des dragonniers. J’espère qu’un jour, je pourrais te faire visiter mon village sans avoir peur que tu te fasses embarquer par des sentinelles ou des gardes.

Je lui tendis ma main pour l’aider à se relever.

- Allez, allons-y.

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